Fernando Guimarães
en conversation sur L'Armonia degli Affetti
L’Ensemble L’Armonia degli Affetti s’est intéressé à la production d’Oratorio de Giacomo Carissimi et mène depuis le 2014 des recherches au sujet de ce compositeur italien, père de la forme de l’Oratorio.
Giacomo Carissimi était très connu à son époque et grâce à sa renommée il avait la possibilité d’appeler les meilleurs musiciens des principaux centres musicaux comme Venise pour la réalisation de ses œuvres. Il pouvait donc utiliser des cornets et sacqueboutes, mais aussi des instruments de provenance vénitienne telles que les flûtes, dulcianes, trompettes.
Avoir à disposition une palette si riche de timbres, en plus d’une section de continuo bien fournie, permet de marquer de façon extraordinaire chaque moment des histoires sacrées mises en musique. Cela représente, à notre avis, une nouveauté dans l'histoire moderne de ces oratorios qui sont normalement donnés aujourd’hui avec une section restreinte de basse continue et quelques instruments mélodiques qui ne jouent que des petites symphonies ou des petites interventions prévues dans la partition. Pourtant on sait très bien qu’à l’époque les instrumentistes, tels que des flutistes, intervenaient aussi dans les phrases des chanteurs pour en transfigurer musicalement les émotions ou le cadre dramatique. La façon d'utiliser des instruments mélodiques pour la réalisation de contrepoints non écrits par le compositeur se base principalement sur le traité d’Agostino Agazzari « Del sonar sopra‘l basso con ogni sorta di stromento » (1607), affirmant qu’une orchestre peut arriver jusqu’à un effectif de 70 musiciens pour la réalisation improvisée de la seule ligne de la basse continue. Cela implique que n’importe quel instrumentiste improvisait sur une basse, en donnant ainsi vie à un tableau musical fort impressionnant.
Toutes ces informations nous révèlent ces oratorios comme de véritables actions dramatiques, où la partie instrumentale n’est pas seulement un accessoire, mais une partie structurale de l’action : l’orchestre désigne les scènes, la basse continue devient partie des personnages. L’attribution des instruments aux différents personnages et aux différentes situations ne se fait pas seulement suite à des considérations techniques : l’utilisation de tel ou tel instrument nous est décrite dans les tableaux et dans la littérature et constitue ce qui deviendra ensuite les principes de la révolution théâtrale de Gluck, presque deux siècles plus tard.